Un émule de Flipper de 300 kg qui
jouait avec une barque de pêche
s'échoue sur le pont, blessé, le pêcheur sauve le dauphin !

C'est une histoire merveilleuse qui est arrivée à
Alix Lebon, patron-pêcheur à Saint-Pierre, et qu'Ernest Hemingway
aurait volontiers contée. Bien que blessé par la chute de
l'animal, le pêcheur, âgé de 36 ans, un solide gaillard - 1,75
mètre pour 75 kilos, qui présente d'ailleurs une certaine
ressemblance physionomique avec Eric Tabarly, le visage taillé au
carré avec les cheveux courts, noirs et ondulés a tout fait pour
sauver le dauphin. Et il a réussi. A bord de son unité de pêche au
gros, le "Nova", une barque pontée en plastique de sept mètres
avec cabine centrale et moteur diesel de 110 CV, il avait quitté
le port de Saint-Pierre aux alentours de 5 heures pour se rendre
sur le DCP de Grands-Bois. Les thons, marlins et autres voiliers
ne semblant pas se trouver au rendez-vous de ce dispositif de
concentration de poissons, il mettait le cap vers le DCP de
Manapany. Très rapidement, il croisait cinq dauphins, de petite et
moyenne taille, qui semblaient vouloir jouer avec lui. Comme ils
zigzaguaient devant le bateau, Il se dirigeait vers la proue,
espérant pouvoir les caresser, comme il avait déjà eu le subtile
plaisir de le faire par le passé. ll était environ 6h30.
L'ANIMAL JOUE AVEC LE BATEAU
La mer est d'huile, pas de vent, et le soleil vient de se lever.
Il aperçoit un sixième cétacé, plus gros que les autres, qui
rejoint très rapidement le groupe. Il réussit presqu'à le toucher
du bout des doigts. Le spectacle est magnifique. Le dauphin, de
sauts en plongeons, batifole, tranquille, et, une fois de plus,
Alix Lebon est fasciné par ces animaux qui aiment et recherchent
la fréquentation de l'homme. Soudain, une ombre passe entre lui et
le soleil, Instinctivement il se baisse mais il se fait renverser
par une masse énorme qui le bouscule à hauteur du flanc et lui
fait perdre l'équilibre. Dans le même temps, il entend un bruit
très sourd. Puis il reçoit un coup violent sur la jambe. Il voit
alors la queue d'un dauphin frapper le pont de son bateau tandis
que la masse de l'animal retombe de tout son poids et
s'immobilise, museau vers l'avant, sur le côté tribord de
l'embarcation. L'animal venait de plonger sur le pont. Le bateau
en conserve un enfoncement d'une quinzaine de centimètres
occasionné par le bec de l'animal. Alix Lebon pense avoir une ou
deux côtes brisées et la jambe cassée. Quant à l'animal, il ne
bouge plus
Quelques secondes passent. Le pêcheur se ressaisit, se relève à
grand-peine et se dirige vers la cabine; Il lance un SOS par VHF
qui est reçu par d'autres bateaux pêchant dans le secteur et se
rapprochent rapidement. Il leur explique ce qui vient de se passer
et leur demande d'aviser les secours. Tandis qu'il rentre au port,
il prend conscience qu'il n'est que superficiellement blessé et
pense tout de suite à l'animal qui, contrairement à un gros
poisson qui se débattrait, reste tranquillement sur le pont. Il
devine la peur et la tristesse dans son regard. Il pense alors à
brancher sa pompe à eau de mer et l'arrose en continu tout en
barrant. Le dauphin semble comprendre que le pêcheur ne lui veut
aucun mal. Son regard exprime maintenant une certaine confiance,
d'autant plus que ses cinq autres congénères accompagnent
l'embarcation et le font savoir par des clappements de mâchoires.
Le bateau pique du nez sur tribord sous le poids de l'animal qui
fait au moins trois cents kilos et mesure un peu plus de deux
mètres. Il accoste une vingtaine de minutes plus tard. Les
accompagnateurs ont rompu l'escorte à quelques encâblures de
l'entrée du port.
Sur le quai, pompiers, police et SMUR, mais aussi de nombreux
usagers, attendent le curieux équipage. Le marin-pêcheur reçoit
les premiers soins sur place et se voit confirmer qu'il n'a rien
de cassé. Il souhaite toutefois assister à la remise à l'eau de
son passager avant d'être conduit à l'hôpital. Les pompiers, en
soulevant délicatement le dauphin, lui glissent une toile
plastique de brancard sous le corps et, le prenant dans leurs
bras, le font basculer par-dessus bord en tirant la toile; une
opération qui dure une bonne quinzaine de minutes durant
lesquelles l'animal se laisse totalement faire. Une fois dans
l'eau, ce dernier plonge et cherche la sortie du port, mais ne la
trouve pas. C'est une embarcation qui lui montrera le chemin en le
précédant jusqu'à la passe, de l'autre côté de laquelle
attendaient toujours les cinq autres mammifères marins

QUATRE ESPÈCES DE DAUPHINS OBSERVÉES À LA RÉUNION
On recense à la Réunion sept espèces de mammifères appartenant à
la famille des "delphinidae", dont le globicéphale tropical,
l'orque et la fausse orque. On observe également quatre espèces de
dauphins et non pas "marsouins", comme l'emploi fréquent de ce
terme dans la langue créole pourrait le laisser entendre (le
marsouin, cousin du dauphin, vit surtout dans l'Atlantique). Le
"grand dauphin" (Tursiops truncatus) est probablement l'espèce
(sédentaire) la plus fréquemment observée le long de nos côtes,
notamment en baie de Saint-Paul. C'est aussi le plus long (de 3 à
5 mètres) et le plus lourd (de 200 à 400 kg en moyenne). Son dos
est aussi gris que son ventre est clair. A noter un bec assez
court. Tout comme le grand dauphin, le "dauphin tacheté" (Stenella
attenuata) est régulièrement observé à la Réunion. Il mesure de 2
à 3 mètres. Très joueur, il ne peut s'empêcher de faire la course
avec les bateaux. Contrairement à ses "frères" précédemment cités,
le "dauphin commun" (Delphinus delphis), mammifère migrateur, se
fait plus rare chez nous. On le voit principalement de juin à
septembre. Plus petit que les autres, on le reconnaît grâce à une
tache claire autour de l'il qui semble s'étirer comme une larme
vers l'arrière du corps. Quant au "dauphin à long bec" (Stenella
longirostris), il se distingue par un petit corps fin et gracieux.
Comme son nom l'indique, il possède un long bec. Ailleurs qu'à la
Réunion, cette espèce paye un très lourd tribut à la pêche au
thon. Empêtrés dans les filets, des milliers de "long bec" meurent
chaque année. Sachez également qu'un dauphin vit en moyenne 32 ans
et qu'il peut faire des bonds jusqu'à sept mètres de haut !
UNE INCROYABLE HISTOIRE DE "MARLIN SAUTEUR"
Cette drôle histoire de "dauphin sauteur" nous en rappelle une
autre...
Le 11 janvier 1997, le Journal de l'île vous
racontait l'incroyable aventure survenue à un touriste parisien
parti à la pêche au gros au large de Saint-Gilles. Une partie de
pêche dont Nicolas Lefranc se souviendra toute sa vie...
Il est 10h 45 ce matin-là lorsqu'un marlin d'une
centaine de kilo mord au leurre. Nicolas saisit alors sa caméra
pour filmer son père qui bondit sur la canne à pêche.
Le combat dure 25 minutes. Au moment de gaffer le
poisson, ce dernier fait une embardée d'une dizaine de mètres
avant de se dresser sur la queue, un peu comme un dauphin... C'est
alors que l'incroyable arrive : le marlin fait un prodigieux saut
pour atterrir, rostre en avant, sur le pont du bateau. Nicolas,
qui n'arrête pas de filmer, n'a pas le temps d'esquiver
"l'attaque" (comme notre dauphin, le marlin est probablement
retombé par hasard sur le bateau). Telle une lance, le rostre de
l'animal vient se planter dans la hanche du jeune homme, avant de
casser net. Ivre de douleur, Nicolas tente alors de se lever mais
il est balayé aux jambes par le reste d'épée du poisson qui secoue
la tête comme un taureau. Un puissant coup de masse sur le front
du marlin vient mettre un terme à ses trente (et interminables)
secondes de folie. Nicolas perdra beaucoup de sang mais rentrera à
temps pour être soigné à l'hôpital, où il restera huit jours.
Décidément, la pêche réserve parfois de stupéfiantes rencontres !
Jean-Pierre Santo
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